jeudi 4 septembre 2014

De notre relation aux machines à travers l’épigénétique

Avec le réseau, l’individu lui-même devient un réseau qui divise sa présence et sa personnalité en de multiples interactions et écrans simultanés. Cette multiprésence fait que, parfois, à force d’être partout, on n’est nulle part. Il évoluera aussi certainement en un réseau d’identités et de socialisations fluctuantes en fonction du moment, du contexte et de l’intention.
Enfin, l’épigénétique montre que l’environnement influe sur l’expression des gênes, et ce sur des périodes très courtes. Utilisateurs depuis vingt ans du réseau, nous avons peut-être déjà été modifiés. Nous n’écoutons plus que rarement des sons originaux continus mais plutôt des échantillonnages informatiques : une succession de mesures reconstituant le son. Comment notre audition s’adapte-t-elle ? Nous passons plus d’un tiers de notre temps devant des écrans luminescents unidimensionnels. Comment notre vision s’adapte-t-elle ? Nos facultés intellectuelles évoluent-elles, soumises au surflot continu des données ? Que devient notre concentration, notre attention, notre mémoire ? Apprend-on pareillement avec un livre et un ordinateur ? Que change à notre physiologie l’immersion constante dans le champ magnétique des appareils connectés ?
L’être humain est social. Depuis la nuit des temps, sa survie dépend des autres, du groupe. La compréhension du spectre infini des relations interpersonnelles et de leur complexité est une nécessité biologique. Qu’advient-il de nos apprentissages et de nos instincts lorsque ces échanges ne sont plus en face à face mais procèdent d’interactions restreintes entre identités symboliques par écrans interposés ?
Pierre Bellanger, La souveraineté numérique. Stock janvier 2014.

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