Avec le réseau, l’individu lui-même devient un réseau qui divise sa
présence et sa personnalité en de multiples interactions et écrans
simultanés. Cette multiprésence fait que, parfois, à force d’être
partout, on n’est nulle part. Il évoluera aussi certainement en un
réseau d’identités et de socialisations fluctuantes en fonction du
moment, du contexte et de l’intention.
Enfin, l’épigénétique montre que l’environnement influe sur
l’expression des gênes, et ce sur des périodes très courtes.
Utilisateurs depuis vingt ans du réseau, nous avons peut-être déjà été
modifiés. Nous n’écoutons plus que rarement des sons originaux continus
mais plutôt des échantillonnages informatiques : une succession de
mesures reconstituant le son. Comment notre audition s’adapte-t-elle ?
Nous passons plus d’un tiers de notre temps devant des écrans
luminescents unidimensionnels. Comment notre vision s’adapte-t-elle ?
Nos facultés intellectuelles évoluent-elles, soumises au surflot continu
des données ? Que devient notre concentration, notre attention, notre
mémoire ? Apprend-on pareillement avec un livre et un ordinateur ? Que
change à notre physiologie l’immersion constante dans le champ
magnétique des appareils connectés ?
L’être humain est social. Depuis la nuit des temps, sa survie dépend
des autres, du groupe. La compréhension du spectre infini des relations
interpersonnelles et de leur complexité est une nécessité biologique.
Qu’advient-il de nos apprentissages et de nos instincts lorsque ces
échanges ne sont plus en face à face mais procèdent d’interactions
restreintes entre identités symboliques par écrans interposés ?
Pierre Bellanger, La souveraineté numérique. Stock janvier 2014.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire